NICOLAS de STAEL - Fondation Gianadda ( Martigny - Suisse )

NICOLAS de STAEL - Fondation Gianadda ( Martigny - Suisse )

 

 

 

 

 

 

 

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Nicolas de STAEL   -    Fondation  Gianadda.

MARTIGNY  ( Suisse – Valais )  -  Jusqu’au 21 novembre 2010

 

Je le dis d’emblée : de Staël et moi c’est une aussi vieille que profonde histoire..

J’aI vu  trois fois en deux jours  son exposition en 2003 à Beaubourg, et en 1994 je suis allé trois fois à l’Hotel de Ville de Paris pour des rétrospectives de grande envergure.

J’ai  il y a peu rôdé aux abords des remparts d’Antibes, suis allé dans son atelier , vu le décor du saut dans le vide qu’il a fait  ; j’ai tenté de décrypter son visage à travers les photos de lui qui traînent peu partout dans les expositions et les livres  ( exactement comme si jamais personne, après sa mort, ne s’était résolu à en opérer le rangement ou le tri)  ,  j’ai lu un peu, mais pas la biographie qui parle d’ un  Prince Foudroyé car je n’aime pas ce titre qui sent l’appât bien ficelé de l’éditeur mais il y avait aussi d’autres raisons,

 

J’aime Martigny, porte du col  des Alpes qui a vu passer Hannibal ( le vrai )  il n’y a pas si longtemps ; on y sent encore les éléphants et le spectacle hallucinant des pachidermes africains dans la neige ou si près.

J’aime la Fondation  Gianadda car c’est un lieu mal fichu, une architecture imbuvable ( on dirait aujourd’hui   incertaine  ou  improbable ), un batiment ostensiblement ( je veux dire : avec ostentation )construit   sur un site gaulois devenu romain, dont  les vestiges sont particulièrement bien visibles puisque le batiment qui accueille concerts et expositions est construit sur et autour de l’atrium qui reste le cœur de la construction. Mais j’aime la Fondation car elle a le chic de mettre sur pied des expositions qui sont des modéles que le monde entier doit envier : les pièces viennent des quatre coins du monde, et surtout  sortent comme par magie des collections privées ( il doit exister peu de collectionneurs qui résistent à une demande de prêt venant de la Fondation Gianadda…) si bien que chaque exposition est un événement, un véritable événement que chaque année attendent , nombreux, les amateurs de peinture  et  de sculpture …Braque, Modigliani, Moore, j’en passe, allez voir le site…

 

Tout ceci pour dire que je suis peu suspect si je vais écrire les lignes qui suivent.

 

J’aime, évidemment et de manière inconditionnelle, et de Staël, et la Fondation Gianadda, et le lieu, et il faudrait des pages que je n’écrirai pas ici, pour bien dire  qui est de Staël pour moi et le rôle tout à fait déterminant qu’il a joué dans la décision que j’ai prise , après des décades d’hésitations, à enfin presser  les tubes de peinture à l’huile et faire sortir la pâte..

 

Vous entrez donc à la Fondation, et en passant à la caisse, vous avez la vision d’un espace largement troué en son centre par l’atrium où restent en permanence les chaises standard destinées aux concerts réguliers, bien cadrées  à l’intérieur des  vestiges de murets de l’atrium.

Et juste en face, alors que vous serrez la main de votre amie ( oui, elle est du voyage, c’est conseillé ) surgit en bas  au fond en face, la grande composition grise ( 1947 – 1950 )  qui, je vais dire  une énormité que j’assume, paraît plafonnée sur le mur même qui la soutient, et faire partie des lieux.  Impossible de s’en détacher : vous avez autant d’impossibilité à vous en détacher que la toile en a de se détacher du mur tant elle paraît murale, sculpturale, alanguie en force, incrustée en douceur, plafonnée à la palette, on voit la pâte rouler, les bords gonfler, le travail cent fois, cinq cent fois repris, la nuit, le soir, la nuit encore…car on le sait, il le disait lui-même, il allait la nuit travailler dans son atelier

Vous avez maintenant acheté votre ticket ( pas cher ) , et vous avancez sur la galerie où vous  vous trouvez dés l’entrée : défilent en bas tous les tableaux, accrochés curieusement car, vus dans l’ensemble, avec en haut  les vitrines de la galerie qui contiennent toutes les pièces issues des fouilles archéologiques du lieu, les chaises en bas, l’atrium vide et les mur autour remplis de toiles, tout cet ensemble vous paraît bien peu digne du travail de de Staël et pour tout dire un peu bordélique ; vous descendez les marches, votre compagne à l’instant ressemble à Cecilia Bartoldi qui s’apprête à chanter là, dans la fosse,  et en bas le choc attendu qui vous a fait faire huit heures de route est au rendez-vous.

 

 

Pas tout de suite cependant car, avant de plonger, vous refaites  du regard un tour du propriétaire et vous vous avisez que la caisse à l’entrée a ses murs remplis d’affiches de toutes sortes et que juste au-dessus sont comme accrochés en mezzaninne deux sortes de bureau aux vitres teintées avec à l’intérieur des  machines aux diodes rouges et vertes qui s’allument ou s’éteignent, comme on en trouve dans les studios de radio…Fatras, fatras incongru…

 

Et pas tout de suite encore car , avant de plonger,  vous vous avisez de faire de loin  un dernier tour circulaire avant d’entrer dans le vif,  et vous découvrez alors en bas à droite quantités de tableaux de petites dimensions, accrochés les uns aux autres, trop près, très vifs de couleurs, très solides de construction ( ce sont notamment  les Agrigento, que vous connaissez déjà ) , et d’un coup vous vous dites, autre sacrilège mais salutaire, que ces tableaux-là, s’ils étaient inconnus, placés dans une galerie bluffeuse du style de celles que vous pouvez trouver  en tant d’endroits frimeurs comme par exemple Place des Vosges à Paris,      vous passeriez votre chemin…

 

 

Et pourtant , Merleau-Ponty hier  entre autres , aujourd’hui  Jean Clair notamment,  sont tombés dans le panneau…Je plaisante évidemment : pas le panneau,  mais la toile, la peinture –  et comme ils ont eu raison…mais  au fait, oui, au fait,  ont-ils eu raison, ont-ils vraiment raison tous les thuriféraires de de STAEL ( dont je suis ) ?

 

L’exposition actuelle  la Fondation GIANADDA,   huit ans après beaubourg, et 17 après l’Hotel de Ville de Paris, n’est-elle pas l’occasion de revoir l’ensemble de l’œuvre de de Stael, de la période en tous cas digne d’intérêt puisqu’il faut pas être grand clerc pour tenir pour relativement négligeable les œuvres produites avant 1946 ?

 

Avant 1946 de Stael n’est pas encore vraiment entré en peinture.

A partir de 1954, sa palette se fluidifie ( fluide donc , de Staël ? ) ,  sa peinture se dilue, forte et légère, et donne des œuvres comme le Pont St-Michel à Paris ( 1954 ) et ses Natures mortes, vues d’atelier notamment.

 

 

 

Cette exposition ne pourrait-elle être l’occasion d’un nouveau et difficile regard critique, pour  voir pour ce qu’elle est  ( et seulement ce qu’elle est, pas ce que l’on en fait )  l’œuvre peint après 1953 et  non  la voir en tant qu’œuvre de celui a tant et si bien peint entre 45 et 53 ?

En d’autres termes, ne pourrait-on admettre, sacrilège ? ,  que certains de ses paysages  ,  ses vues de paris, ses scènes d’atelier, natures mortes pourrait-on dire,  ne  bouleversent  pas à ce point la peinture qu’elles justifieraient d’être incluses comme elles le sont toujours dans les grandes œuvres au même titre que ce qu’il a peintes entre 45 et 53 ?

 

En d’autres termes encore, ne pourrait-on considérer que l’œuvre de de Staël est essentielle, pour l’apport important qu’il a fait à l’histoire de l’art ( je schématise ) , pour ce qui est de ce qu’il a peint entre 45 et 53 ?

Quelle injustice pourtant quand on sait combien de Stael, avec une sincérité poignante, travaillait d’arrache-pied, recherchait sans cesse à se renouveler ( il l’a écrit dans ses lettres, et il n’y a pas la moindre ambiguité là-dessus ) , et que c’est le prix de sa recherche permanente, de son exigence à cet égard, qui verrait alors les  amateurs que nous sommes aujourd’hui en 2O1O de décapiter son œuvre pour n’en prendre qu’une partie ?

Mais c’est bien ainsi que les choses peuvent aller : il y a le peintre qui crée, et puis  il y a l’œuvre qui  roule ensuite et fait sa vie.

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Dernière précision : sur l’ensemble exposé, la toute grande majorité des œuvres sortent de collections privées – c’est cela aussi la Fondation GIANADDA : les moyens de faire sortir les œuvres  majeures des collections privées, et les moyens aussi d’assurer le prix des couvertures d’assurance pour une longue période puisque cette exposition commencée en juin se terminera le 21 novembre et est ouverte tous les jours de O9h   à  19H …

 

 

 

 

 

 

 

 

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