Francisco de ZURBARAN - à BOZAR jusqu'au 25 mai 2014

Francisco de ZURBARAN - à BOZAR jusqu'au 25 mai 2014

 

 

 

 

Raccourci un peu facile, mais il n'est pas impertinent de considérer que tout ZURBARAN est contenu dans ce tableau, le tout dernier de cette exposition  et l'un des derniers qu'il ait peint.

 

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Peint à Madrid à la fin de sa vie.

 

 

Le Christ  toune la tête en se penchant vers un homme, debout au pied de la croix : il s'agit de saint-Luc, patron des peintres et des artistes, ou selon certain il s'agirait de ZURBARAN lui-même.

L'homme tient une palette aux couleurs très vives ( non visibles ici ) à la main gauche, et il porte sa main droite sur son coeur, tandis que le visage légèrement penché ( une attitude qu'affectionne ZURBARAN )  il  regarde intensément le Christ  et lui temoigne avec une grande ferveur  une profonde reconnaissance - reconnnaissance, ou tout autre sentiment qui effleurera le visiteur et avec lequel il se sentira bien dans et avec le tableau.

 

Une cinquantaine de toiles sont exposées; certaines de tout premier plan comme " la Maison de Nazareth ".

 

Catalogué peintre sévillan, ZURBARAN est  cependant né en Estremadura, dans un petit village près de Badajoz où il vécut longtemps puisqu'il  ne s'installa à Sevilla qu'en 1629 - invité à s'y fixer à la demande de la municipalité.

Pendant une dizaine d'années, il vécut dans la reconnaissance de son art, dans l'abondance des demandes provenant surtout des communautés monastiques ou institutions religieuses, nombreuses à Sevilla et dans l'Andalousie  -  mais les commandes  commencèrent à se faire plus rares à partir de 1639 date de la crise économique et financière que connut Sevilla alors, et de la peste qui frappa la ville.

Il connut un fin de vie difficile, non que son art s'effilocha, mais parce que, plus cruellement, il n'était plus à la mode et il  mourut dans l'anonymat.

 

Les bures monastiques - les blancs, les ocres, les bruns, les noirs selon les Ordres - donnèrent à Zurbaran matière à déclinaisons somptueuses ( que l'on retrouvent aussi dans les étoffes féminines )  comme le proclament certaines toiles visibles à Bruxelles et qui, accrochées à bonne hauteur d'yeux, permettent de se laisser aller à des tours et détours chatoyants, onctueux parfois, et brillants.

Peintre du silence ? Peintre mystique ? Il est vrai que les visages de saints en extase ne sont ni grandiloquents ( une prouesse ), ni racoleurs - ils sont " justes "   , mais il est vrai qu il faut d'abord accepter de pouvoir contempler la peinture d'un saint, qui plus est en extase et que d'aucuns pourront trouver tout cela irritant tant les sujets religieux sont rebachés tout au long de l'histoire de l'art depuis et pendant des siècles.

 

Mais justement, à l'intention de ceux que le sujet irrite, faites l'exercice de vous arrêter devant saint-François en extase,  placé juste à côté d'un saint-François en prière  ( au passage, vous noterez, car c'est frappant ,  comment ZURBARAN traite picturalement l'extase et de la prière comme " sujets " , et vous verrez ainsi la différence entre un homme en prière et le même , en extase ! -  .

Quelle chance, sur le plan pictural pur ( mais ici on est au-delà du " pictural pur " ) , de pouvoir regarder ces tableaux mis côte à côte par la magie de l'exposition qui les a rassemblés, de scruter ces visages et d'y trouver - en dehors des notions de foi et de religion - le rendu d'un état que l'on appellera ici " extase "  ou " prière " mais qui ne pourra laisser personne indifférent   - croyant ou non-croyant .

 

Bien que les Christ en croix de Zurbaran ( celui présenté à Bruxelles vient du musee des beaux-Arts de Sevilla ) sont d'une grande intériorité, je pense que l'art de Zurbaran donne toute sa mesure lorsqu'il rend compte, chez l'être humain et non chez le fils de Dieu qu'est le Christ, de sentiments parmi les plus purs ou ascétiques, c'est-à-dire essentiellement le dépassement de soi s'entendant comme le dépassement  de sa condition humaine par la voie mystique ou encore l'accession d e l'être humain à une condition qui le rapproche du divin ( c'est le cas des extases, mais surtout, malheureusement invisible à l'expo de bruxelles, les représentations d'un personnage  présentant ou montrannt  les stigmates qu'il vient de recevoir   ).

 

Sur de tout autres plans, à souligner :

- la sénographie consistant en divers points de l'exposition à présenter un tableaun central au fond, encadré sur un plan plus proche par deux autres tableaux;

- un coin réservé à quatre " natures mortes " qui sont en fait des tableaux reprenant des motifs déjà présents dans de plus grandes compositions : la mise en cadre en format plus petit ( je pense surtout à cette admirable assiette en argent - exercice de style apprécié à l'époque -  sur le bord de laquelle est posée une rose rose en train de faner ) apporte subitement un  nouvel éclairage et donne au sujet l'importance qu'il ne pouvait avoir lorsqu'il était l'  accessoire d'une grande composition.

Parmi les tableaux de premier plan, " la Maison de nazaretth " où d'un coup ZURBARAN a balayé toutes les conventions en livrant une oeuvre audacieuse d'une très grande sensibilité :

 

Nous sommes là dans un intérieur bourgeois très ordonné, loin de la maison de l' humble mensuisier qu'était Joseph .

Marie elle-même est représentée comme une femme à l'élégance discrète mais certaine; elle est surprise dans une pose inédite pour moi en peinture : pensive mais très présente, telle qu'elle est sur ce coussin à broderie qu'elle abandonne un instant, et alors qu'elle est encadrée par deux draps blancs qui sont des chefs d'oeuvre de peinture : celui de gauche est léger comme une étamine, celui de droite a l'étoffe du drap.

A gauche, l'enfant Jésus soi-même, son fils, qui joue avec le feu et qui s'est piqué...il est en train de se  construire une couronne d'épines. Il est bien avancé dans son travail : sa mère l'a donc laissé faire, elle qui sait cependant ce que veut dire cette couronne d'épines.

Les symboles et signes mystérieux sont nombreux : les deux pigeons à l'avant-plan, le gros livre ouvert sur cette table à tiroir, et ce tiroir, l'un des plus énigmatique que je connaisse : tiroir entrouvert.

 

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