Daniel Darc est mort le 28 février 2013

Daniel Darc est mort le 28 février 2013

 

 

 

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Des fils  pendaient des voutes sans grâce pour lui tenir  bras et jambes désarticulés, quand ce soir là d’été 2012 à Arlon, il se mit à chanter – chanter ? Oui, chanter, grincer, confesser, prier.

Il prie , ces chants-là sont comme des prières  ai-je dit à voix basse  peu de temps après.

Je ne savais pas son histoire, pas qu’il s’était converti au protestantisme et se trouvait par là-même proche des textes, et peut-être aussi de la prière - mais j'avais bien deviné que ces chants-là étaient comme des prières.

Ce qui m’avait  fasciné fut de voir cet homme en vie – encore..

Quelle chance d’enfer, pensai-je, de voir en vie cet homme mort mille fois.

Quelle profonde et mystérieuse merveille que de pouvoir, spectateur, le voir et l’entendre - encore.

De le voir en vie voulait dire vainqueur de toutes les forces qui l’attiraient vers le néant qu’il frôlait sans cesse.

Survivre,

Avec 7 notes de musique et des mots.

On le sentait en sursis, étonné à chaque phrase qu’il pût encore en prononcer une autre.

Inquiet de le voir ainsi accroché à son micro, de le voir ainsi gesticuler ,  bras et jambes tressaillant au bout de leurs fils qui pendaient des voûtes. Derrière les voûtes - le ciel.

Survivre.

Tenir.

Un scarabée courait sur le marbre où se reflétaient les bleutés de l’éclairage de la scène devant l’autel,  devant la Cène. Il court, il est en  vie, pensai-je  et daniel Darc, à quelques mètres de moi,, aurait pu le voir, irisé  et froid dans les éclats bleutés des spots sur le marbre. Froid. Ce sacarabée  noir dans le noir, courant comme un damné,  cadavre vivant dans cette église belge  sombre et glaciale.

 

Il insista longuement  ce soir-là , ce soir de grâces, sur la taille de son âme, assurément plus grande que son corps à lui, et l’on imaginait sans peine les chausse-pieds  de cristal  géants  qu’il utilisait chaque matin, chaque instant, pour la faire rentrer tout entière, son âme, sans en laisser un morceau au hasard, dans ce corps si malade, si abîmé, si cassé qu’est le sien.

Mais il chante, chante encore, crie, prie. Impossible de savoir, au travers de tout cela, s’il aime cette vie et  s’y raccroche  -  ou s’il laisse faire.

Le ressort est cassé, gling, d’un coup, cent fois réparé, 101 fois déglingué.

 

In pace, requiescat - comme on se  sent gênés, nous les éternels survivants, mais en même temps si fervents il faut le dire aussi  - et finalement soulagés - ,  de ressortir en latin des mots qui jusqu'alors avaient fini par perdre leur sens.

 

 

 

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